Gilgamesh est devenu L’affaire Gilgamesh. Quelle affaire ! Toute une affaire… Pendant la saison 2020-2021, La petite troupe, comme le reste du monde, ne savait pas trop comment exister, se rassembler, œuvrer et donner. Le théâtre en Zoom et les longues mises sur « pause » de l’atelier ont eu raison de quelques enfants que nous avons perdus en chemin. On les comprend tellement, on se sentait nous-mêmes − encadrants, organisateurs − un peu obstinés parfois, un petit vent de  « à tout prix » ou plus justement, une lame de fond, nous tenait : on en voulait parce que c’est trop injuste de tout éteindre. Ne pas faire n’avait aucun sens et faire était interdit. Quand le spectacle du mois de mai 2021 a bel et bien été annulé, tout comme la perspective d’un report, c’est l’idée chère à Daniel Conrod de nous filmer en train de faire, qui a refait surface.

Pourquoi pas ? Un film sur ce qu’est La petite troupe, ceux qui la font et ceux qui la guident mais aussi un film sur l’histoire de Gilgamesh, un des mythes fondateurs que Daniel Conrod avait choisi pour ses échos avec le monde contemporain. Il n’est pas aisé de rendre sensible cette comparaison, de permettre aux enfants de s’en saisir mais, pour sûr, les émotions de l’histoire ont été habitées avec leurs états de cœur et de corps en pleine pandémie. Le film comme projet et les regards attentifs et délicats de l’équipe du réalisateur François-Joseph Botbol ont fait de cette expérience notre réparation.

L’affaire Gilgamesh a été tournée en deux journées, l’une dans le parc de la Bergère à Bobigny où vous reconnaitrez sans peine la ville d’Uruk et l’autre à la MC93 entre le noir du Studio, où vivent les dieux et la clarté du hall vide que nous avons habité avec joie. Il fallait s’amuser, il fallait en profiter, il fallait jouer et se faire beau, y croire et faire croire. Les familles de La petite troupe étaient elles aussi, de l’affaire : nous avons tous accompagné Gilgamesh dans le deuil de son meilleur ami et la découverte de son humanité. Vous le sentirez aisément, faire ce film nous a fait du bien, le partager se savoure aussi.

Pauline Maître
Chargée des projets avec les publics