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Bobigny migrations
Artiste en résidence à la MC93 à partir de janvier 2018, Catherine Boskowitz y prépare plusieurs projets dont celui de la création d'un spectacle pour l'hiver 2019 : Le pire n'est pas toujours certain. Le livre de Patrick Chamoiseau, Frères migrants, est son fil conducteur pour aller à la rencontre d'habitants de Bobigny.
Avec eux, elle partage ses outils : caméra, enregistreur, plateau de théâtre, argile, encres, papiers, crayons à dessin pour composer, sur le sujet des migrations, différentes écritures textuelles, visuelles et sonores.
Deux expositions sont issues de ces rencontres.
Ça s'est passé comme ça
Elles sont là, elles nous attendent. Plusieurs femmes réunies par Sok-Ay dans le petit local de Loisirs Tout Azimut ont apporté à ma demande des photos soustraites à leurs albums familiaux.
Les images datent des années 80. Certaines sont très belles et paraissent d'un autre temps, celui où les selfies n'existaient pas, où l'on posaitde manière différente, où chaque photo prise était précieuse et l'instant choisi. À partir de ces photos, elles vont se mettre à graver et à raconter...
Elles retracent leur arrivée à Bobigny à travers l'encre de leurs autoportraits et les paroles de leurs récits. Chacune raconte son trajet, le voyage intime qui l'a amenée à être ce qu'elle est aujourd'hui dans cette ville qu'elle ne connaissait pas avant d'y vivre. Pour certaines, elles débarquaient alors au coeur d'un pays qui leur était étranger, la France.
À travers cette exposition, une cartographie se dessine par petits points sensibles entre les mots et les gravures, qui relie le Cambodge, l'Algérie, la Champagne-Ardenne, le Poitou, Mazamet, Casablanca à Bobigny.
Ces travaux ont été conduits par Catherine Boskowitz et Estelle Lesage avec l'association Loisirs Tout Azimut.
incognito voyageurs
En 2018, nous invitons les résidents, demandeurs d’asile du Foyer Oryema à partager nos outils : caméra, enregistreur, papiers, crayons, colle, peinture… Avec eux, nous créons de petits films vidéos, de courtes bandes sonores, des personnages et des figures en argile.
On travaille beaucoup, on invente, on parle dans de multiples langues, et l’on rit aussi, malgré les difficultés de chacun, l’angoisse et la menace chaque mois renouvelée, puis repoussée, de la fermeture prochaine du foyer.
Début octobre le couperet tombe. Le foyer Oryema doit fermer. Nous continuons à travailler, nous nous transformons en chiens. De papier certes, mais avec des dents… Nous avons commencé à construire des masques, beaucoup de masques ! Masques de chiens, masques d’hommes que les résidents ont mis en scène dans un travail photographique. À mon tour, je me suis emparée de certaines de ces images pour continuer le geste en peinture.
Le temps passé ensemble, nous l’avons retenu encore un peu en décidant avec l’équipe de la MC93 d’imprimer une quinzaine de photos. Chacun des résidents a choisi les photos qu’il a emporté avec lui.
Ces photos agrandies forment aujourd’hui le cœur de l’exposition.
Les ateliers ont été menés par Catherine Boskowitz et Estelle Lesage avec le Foyer Oryema à Bobigny entre 2018 et 2019 avec l’ensemble des résidents Ali, Hussein, Khalid, Habib, Philip, Azari, Algassimou, Yassine, Kacem, Abdou, Issa, Kosta, Ejaz, Abdoulaye, Festu, Djuma, Aboubakar.
Catherine Boskowitz a réalisé un carnet de bord de cette résidence. Il est à découvrir ici.