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Carnets #7
"Dans le dépliant qui présente la programmation de la MC93 de septembre 2019 à juillet 2020, j’ai évoqué l’aspiration commune des spectacles à la liberté. La liberté est un chemin, celui d’une vie, qui permet de penser avec insolence, d’agir avec imagination, d’exercer son esprit critique vis-à-vis de sa famille ou de son groupe social, de pratiquer l’autodérision, de détourner les normes de nos sociétés, d’inventer des représen-tations du monde… pour s’extraire de toutes nos pesanteurs. La jeunesse et l’utopie sont d’autres fils rouges possibles pour parcourir cette saison qui s’ouvre.
Parfois je pense que nous sommes à la fin d’un monde, parfois au début d’un autre et j’ai le sentiment de n’être pas la seule. En 2015, j’avais conclu une intervention en citant ces mots sévères et stimulants de Théodore Monod : « Si vous ne pouvez réaliser votre rêve, c’est que vous l’avez mal pensé. » Il s’agissait alors de parler du projet d’un théâtre dans la ville, comme reflet miniature d’une société nouvelle, plus juste et confiante. Or, le théâtre peut nous aider à penser nos rêves et à les partager ; car aujourd’hui nous éprouvons le manque d’utopies partagées.
Tout cela nécessite de la confiance, nous ne la trouverons vraiment qu’ensemble. Je ne parle pas de la confiance en une personnalité providentielle qui nous sauvera de nous-même, mais la confiance en nous, collectivement, la confiance dans l’humanité, dans notre capacité infinie d’invention et d’émerveillement, dans notre possibilité de mettre notre intelligence au service de la planète et de dépasser notre propre violence pour faire de la place à l’existence des autres.
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué : au cours des derniers mois, sont apparus sur les murs de Bobigny, des mots et des phrases peints, le premier, « confiance » à l’angle de la rue, devant la MC93 et dans d’autres endroits de la ville, puis, « l’amour gagne toujours », sur la dalle Paul-Éluard voisine. Matin et soir, je les lis et je rends un hommage silencieux et joyeux à l’artiste qui les a ainsi exposés.
Dieudonné Niangouna, en répétition à la MC93 au moment où vous recevez ce carnet numéro 7, dit que : « Le théâtre est le médicament de la confiance ». Je crois qu’il a raison. En tous les cas, il n’y a pas de risque d’overdose et cela vaut la peine d’essayer.
À bientôt."
Hortense Archambault
Bobigny, juillet 2019