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Magazine

17 février 2022
À lireEntretiens2021-2022

Danser des cris

Entretien avec DeLaVallet Bidiefono autour d'Utopia / Les Sauvages

Comment est née l’idée du spectacle ?

Au départ l’idée d’Utopia m’est venue quand on m’a suggéré de travailler sur une autobiographie : je suis né à Pointe Noire qui est la capitale économique du Congo, c’est une ville paisible, on n’y a jamais vécu de guerre, il y a des sociétés pétrolières étrangères, une ville tranquille sur le plan politique. Artistiquement parlant il n’y avait rien, moi j’avais envie de dire des choses mais ce n’était pas une ville qui était faite pour m’écouter. Il fallait que je change de lieu !

Je me suis dit : je vais aller dans un endroit où les gens auront peut-être les oreilles pour me comprendre. Du coup, j’ai fait le voyage à Brazzaville. Ça part de là l’idée d’Utopia. Comment raconter mon déplacement, la force que j’ai eue de quitter la ville où mes parents et la famille habitaient, pour aller dans une autre ville faire de l’art, rencontrer les gens et essayer de les comprendre, et en même temps leur laisser la place pour qu’ils me comprennent. Puis de là quitter Brazzaville pour venir en France avec la difficulté de parler la langue de l’autre et l’importance de se dire que si les gens ne me comprennent pas, c’est à moi de les comprendre, d’apprendre aussi à les écouter.

"C’est un spectacle qui parle du rapport à l’autre, de la diversité, de la solidarité, un spectacle de groupe très cosmopolite avec les couleurs des femmes, des hommes, des danseurs qui viennent de partout."

 

Le spectacle est-il strictement autobiographique ?

Non, j’ai envie plus largement de parler de ce défi tout simple que les humains n’arrivent pas à réaliser, le « vivre ensemble ». C’est très simple d’aller vers l’autre et pourtant cela reste très compliqué pour nous humains, on n’y arrive pas ! C’est un spectacle qui parle du rapport à l’autre, de la diversité, de la solidarité, un spectacle de groupe très cosmopolite avec les couleurs des femmes, des hommes, des danseurs qui viennent de partout. Il s’agit de parler de cette lutte pour aller vers l’autre, c’est un peu ce que nous voyons dans nos cités aujourd’hui.

C’est la première fois que vous travaillez avec des danseurs qui ne sont pas tous membres de votre compagnie Baninga ?

Oui, les danseurs sont pour moitié ceux de ma compagnie. L’idée était de convoquer des personnes qui apportent leurs propres histoires. J’ai donc fait un casting à la MC93 où j’ai choisi les danseurs aussi en fonction de leurs récits. Ce sont des gens qui sont nés en France mais qui ont des parents qui sont venus d’ailleurs, qui ont traversé des forêts, des rivières, des lacs, des océans pour choisir un endroit où vivre. Donc le spectacle parlera de cela, de cette énergie là, de la course, de la chute, des risques, de tomber pour apprendre à se relever, cela va être un travail d’endurance.

Comment est intervenue la commande de texte à Dieudonné Niangouna ?

J’en suis très heureux parce que nous l’avions déjà fait en 2013, au festival d’Avignon, Dieudonné Niangouna avait écrit un texte pour mon spectacle Au-delà et moi j’avais fait la chorégraphie de son spectacle Shéda, c’était une très belle expérience et cela a été un double succès au festival. Cela faisait longtemps que nous avions envie de recommencer et cette année nous en avons eu l’opportunité.

 

Vous faites souvent appel aux textes dans vos chorégraphies, quel rôle leur attribuez-vous ?

C’est mon style, dans toutes mes créations il y a de la musique et un peu de voix parce que dans des spectacles « coups de poing » comme Utopia ou Au-delà ou Monstres, j’ai envie de fédérer différentes forces pour essayer de se faire entendre, pour envoyer ce coup de poing là. Réunir ces forces c’est réunir la musique, le corps et le texte, d’autant que je viens d’un pays où la liberté d’expression est inexistante, même si on dit des mots, on écrit des livres, personne n’entend et j’ai l’impression que pour se faire entendre il faut multiplier les forces, c’est pour ça que je vais chercher un texte, des comédiens ou des auteurs comme Dieudonné Niangouna.

Comment décririez-vous « votre » danse ?

Elle raconte quelque chose mais elle est surtout énergie, ce sont des cris, je danse des cris à chaque temps et j’ai l’impression qu’avec les danseurs nous envoyons des flèches et des fleurs : ce sont des flèches mais elle se transforment en fleurs quand elles arrivent sur le corps des gens. Cela raconte un temps, cela raconte un espace, il y a toujours une thématique, cela parle de la guerre ou du départ ou de liberté d’expression mais cela reste très contemporain et devient quelques fois abstrait par endroits, mais j’aime tout autant quand c’est concret !

"Le côté sauvage c’est le côté humain que l’on est en train d’oublier."

 

Le titre du spectacle « Les Sauvages » est-il ironique ou est-ce un clin d’œil ?

Bien sûr c’est un clin d’œil ! En fait il y a deux façons de parler de « sauvages » à cet endroit là. « Sauvage » pour moi c’est d’abord la liberté, c’est un mot que les gens utilisent mal, je trouve. Parce que quelque chose de libre est sauvage, un enfant quand il est petit, est sauvage, un danseur peut être sauvage, la liberté est sauvage et la liberté fait peur. En même temps, c’est aussi une allusion à l’autre côté des « sauvages » que l’on voit aujourd’hui : toutes les personnes qui polluent la terre, qui s’enferment entre elles, qui ont du mal à aller vers l’autre, pour moi c’est cela aussi la sauvagerie. Mais la sauvagerie qui m’intéresse dans cette création c’est la liberté de chaque humain. Et si on ne va pas chercher en soi cette sauvagerie à l’intérieur de nous, on n’arrivera pas à faire aboutir cette utopie, à réussir cela. C’est cela qui va nous réunir, qui va faire que nous aurons un dialogue commun, que nous penserons le monde ensemble et qu’au fond nous retrouverons notre humanité. Le côté sauvage c’est le côté humain que l’on est en train d’oublier.

S’agissant d’utopie, comment décrieriez-vous votre contrée idéale ?

J’imagine un monde plus lent, plus sobre, plus solidaire, moins avide, moins compétitif, laissant se déployer l’autre et les espèces vivantes pour arriver à entretenir de véritables relations mutualistes. Ce n’est pas un souhait, c’est une question de vie ou de mort. On y est obligé aujourd’hui, on est au bord du gouffre et si on ne se sert pas les coudes, si on n’est pas solidaire, si on n’essaie pas de se dire qu’on parle la même langue et qu’il nous faut penser la survie de l’humanité, on va sombrer. Utopia parle de cela, de ce chemin qu’il faut parcourir, de cette droiture. C’est la première image qui me vient quand je pense à Utopia ce sont des obélisques qui indiquent la droiture et montrent le chemin !

 

Propos recueillis par Tony Abdo Hanna en avril 2020

Crédit photo : © Ph. Lebruman