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Des nouvelles de la MC93
Bonjour à vous,
Chers spectateurs, partenaires, amis et alliés,
Nous sommes devenus des vestales qui devons préserver la petite flamme à l’intérieur de nous. La flamme de la joie, de la confiance, de l’amour, cette flamme qui est normalement sans cesse ravivée par la fréquentation d’un autre, par une nouvelle idée débusquée au détour d’une conversation, par une émotion éprouvée ensemble, par l’art, par une rencontre imprévue…
Nous devons aussi lutter contre la tristesse. La tristesse du deuil, certes ; mais aussi, pour ma part, celle de réaliser chaque jour combien nous n’avons pas su entretenir ce projet commun de société démocratique et juste que devait être l’Europe. La tristesse de mesurer combien la mesquinerie face à la misère, l’écart entre les mots et les actes, l’absurdité bureaucratique et une vision comptable de l’existence nous ont asséchés. Aucune fierté ne se partage dans la manière dont notre continent, qui a depuis des décennies prôné la rigueur budgétaire et stigmatisé la charge que représentent les services publics, lutte contre cette pandémie.
Cependant, il y a, dans la crise que nous traversons, l’écrasante prise de conscience que nous sommes tous liés les uns aux autres. Il y a des quotidiens héroïques, des invisibles essentiels, des courages magnifiques et des solidarités inventives. Il y a l’hôpital, l’école, l’université, les services sociaux, les bibliothèques... qui « tiennent le coup », malgré la fatigue des hommes et des femmes qui les composent.
Alors voilà, comment prendre acte de ce qui nous arrive, sans colère, sans dégoût ? Comment ensemble exercer une analyse critique de ce que nous sommes collectivement devenus depuis des années et que cette crise révèle, pour poser les bases de ce que nous voulons être ? Bientôt les théâtres habités et ouverts nous aideront à le faire davantage.
En guettant cet horizon, nous continuons d’exercer nos missions de théâtre public autant que possible. L’équipe de la MC93 accueille et accompagne chaque jour des artistes au travail dans nos différentes salles ; les résidences d’artistes sur le territoire (Thierry Thieû Niang, Lorraine de Sagazan, Régine Chopinot, Penda Diouf et Sarah Chaumette) se poursuivent en s’adaptant aux consignes sanitaires ; l’atelier construit des décors et profite parfois du vide du hall pour s’étaler et y peindre des éléments ; les élèves de la Prépa’ Théâtre 93 se préparent à passer les concours ; les équipes et les artistes se rendent dans les classes des lycées, collèges et écoles ; la billetterie reste en contact avec vous pour débrouiller vos réservations plusieurs fois reportées et au final remboursées ; le restaurant s’est transformé parfois en cantine pour les personnels et a cuisiné des plats destinés à l’aide alimentaire.
Nous avons inventé, avec les équipes artistiques des spectacles programmés, une autre manière de travailler, en respectant les engagements que la MC93 avait à leur égard. Parfois nous avons prolongé des répétitions, parfois nous avons cherché une nouvelle manière d’aller à votre rencontre. Cela s’est aussi traduit par la réalisation de projets audiovisuels étonnants qui ne sont pas des captations en « streaming ». Ces réalisations tendent à traduire par l’image le mystère du spectacle vivant. Nous avons pris le temps de chercher les moyens pour que les pièces deviennent aussi partageables qu’un match de foot à l’écran. Vous pourrez les voir à la télévision ou sur notre site internet au fur et à mesure qu’elles seront finalisées.
Devant l’incertitude qui est la nôtre depuis un an déjà, nous avons décidé de ne pas publier Les Carnets sur les activités de mars à juin. Le site de la MC93 vous donne les informations actualisées. Pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas accès à internet, n’hésitez pas à nous appeler régulièrement. En juin, nous vous enverrons le programme du Quartier Général Ouagadougou/Le Caire/Bobigny présenté dans le cadre de la Saison Africa2020 initialement prévu en décembre dernier et que nous avons reporté du 1er au 11 juillet. Nous espérons pouvoir ouvrir avant et partager avec vous les spectacles de la fin de saison. Nous préparons la suivante que nous serons heureux de vous dévoiler fin juin.
Bientôt dans les rues de Bobigny apparaîtront des silhouettes géantes, découpées dans des photographies de spectacles passés et à venir. Comme des fantômes, elles s’immisceront dans la ville pour lui donner une poésie éphémère et vous dire qu’on est là, qu’on continue et qu’on a hâte de vous revoir !
Hortense Archambault
Directrice