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Magazine

27 mars 2019
À lireEntretiens2018-2019

La métamorphose d'Alan

Entretien avec Mohamed Rouabhi

Alan est seul et il essaie de lutter à sa manière contre son isolement.


Vous présentez Alan après Jamais seul, créé l’an passé à la MC93 dans une mise en scène de Patrick Pineau. Comment les deux textes se font-ils suite ?

J’ai écrit les deux textes en parallèle, pendant cinq ans, d’où des effets miroir. Alan aurait pu être un personnage de Jamais seul que j’aurais extrait inconsciemment. Alan est seul et il essaie de lutter à sa manière contre son isolement. J’ai déjà écrit deux textes tout public, Jérémie Fisher et Un enfant comme les autres, qui mettaient en scène des petits garçons un peu à part, l’un avec un handicap génétique, l’autre sans père. Alan, lui, est un adulte, mais comme un enfant, il souffre de l’absence d’ami. Je me suis concentré sur sa réflexion, ses peurs et sa tristesse. Mais m’adressant au jeune public, je ne voulais pas d’une histoire brutale et noire. Il fallait au contraire que finalement l’amour, l’humanité l’emportent et qu’Alan ouvre sa porte aux autres.

Il existe une longue lignée de lapins dans nos imaginaires, depuis Lewis Caroll à Bugs Bunny. Celui d’Alan est plutôt un lapin de garenne : il court vite, il est libre, contrairement à Alan qui est, au départ, coincé et raide.


La métamorphose d’Alan s’opère grâce à l’irruption d’un étrange personnage. D’où vient-il ?

Alan est obligé de projeter un double de lui-même avec qui s’entretenir. Et ce double devient réel sur scène. Il a une tête de lapin ! Ce thème de l’hallucination est venu d’une expérience personnelle : il y a cinq ans, j’ai eu des problèmes de santé et je prenais des médicaments. Un matin, je me suis réveillé et j’ai cru que quelqu’un était venu dans ma chambre pendant la nuit, une créature bizarre avec de grandes oreilles. Ce n’était pas une effraction violente, mais plutôt une visite amicale qui me semblait absolument vraie au réveil. J’ai consigné ce rêve et puis j’ai eu envie d’en faire une histoire.

L’avantage du lapin, c’est qu’il jouit d’un capital sympathie énorme ! Il est doux et pacifique et se situe entre l’animal de compagnie et celui de la ferme. Et en même temps, il peut créer de l’inquiétude. Il existe une longue lignée de lapins dans nos imaginaires, depuis Lewis Caroll à Bugs Bunny. Celui d’Alan est plutôt un lapin de garenne : il court vite, il est libre, contrairement à Alan qui est, au départ, coincé et raide.

À quel stade de l’écriture l’idée des images animées est-elle arrivée?

Dès le début. Elle accompagnait l’envie d’une forme narrative avec une voix enregistrée. Alan est mutique et les images nous font plonger dans ses perceptions, ses souvenirs ou ses rêves. J’ai noté au fur et à mesure de l’écriture les moments où je voulais une séquence d’animation. Ensuite avec Stéphanie Sergeant, on a réfléchi sur les styles et les couleurs. Les quatorze minutes de film d’animation du spectacle ont nécessité deux ans de travail. Cette forme non dialoguée est un vrai parti pris, celui d’un conte. Cela a induit un travail chorégraphique avec les interprètes, qui sont danseur, comédienne et circassienne, dans le sens du déséquilibre et du burlesque.

Quelles sont les spécificités de l’écriture pour le jeune public ?

Je n’ai pas tellement de règles, sinon essayer de ne pas simplifier. De toute façon le texte donnera lieu à plusieurs niveaux de lecture. Bien sûr il faut éviter les confusions et les malentendus mais aussi garder la possibilité des quiproquos, et du jeu avec les mots. Il faut faire confiance aux enfants. Dans la vie de tous les jours on ne prend pas autant de gants. Au départ, Alan prend des médicaments, il a des hallucinations, il se laisse aller… Comment raconter ça à des jeunes gens ? Ici la maladie produit de la drôlerie, dans les déplacements et la gestuelle d’Alan qui ressemble à de la danse comme à des saccades épileptiques. L’enfant trouve dans ces symptômes de l’adulte des repères qui lui parlent : le questionnement, la timidité, le silence. C’est aussi ça la catharsis du théâtre : voir quelque chose où l’on se reconnaît et alors en miroir, accepter ses propres failles, ses malaises, et le fait qu’à un moment donné ça se répare et ça va mieux.

Ce qui m’amuse, dans tous mes textes, c’est de glisser des choses au premier degré qui font rire.

 

Je n’ai pas envie de me brider. Ce qui m’amuse, dans tous mes textes, c’est de glisser des choses au premier degré qui font rire. Je pense toujours à Chaplin et à son langage universel. Je me demande toujours ce qui pourrait toucher un Congolais ou un Vietnamien dans mes spectacles. La réponse pour moi réside dans l’humour, la comédie et la naïveté. Ce qui fait qu’on est prêt à écouter une histoire, c’est notre part d’enfance. Et si on ne perd pas ça de vue, on peut s’adresser à tous. Écrire pour la jeunesse aujourd’hui, c’est aussi pouvoir transmettre une forme de culture qui n’est pas si vieille et qui pourtant est lointaine pour nombre de jeunes. Je me suis ainsi amusé à réunir sur scène un projecteur de film, un électrophone et un ordinateur. On mêle les époques mais on continue à parler de la solitude.

D’un spectacle à l’autre, vous passez de l’écriture au jeu ou à la mise en scène. Quelle place préférez-vous ?

Mon père était ouvrier spécialisé, il a travaillé 38 ans à la chaîne. J’ai connu l’usine aussi à mes débuts et cette répétition d’une tâche à l’infini m’a suffisamment traumatisé pour ne pas avoir envie de faire la même chose toute ma vie. Donc j’ai fait l’acteur, j’ai écrit, j’ai mis en scène, j’ai aussi joué de la musique. Mais tout ça se résume à une seule chose : jouer. On emploie le même terme pour un sportif ou un enfant. Moi, je ne joue pas avec un ballon mais avec des textes. Or ce n’est pas si évident en France. On a du mal ici à concevoir qu’on peut toucher à tout. Pourtant dans l’histoire on a quelques exemples d’artistes qui ont fait du dessin, de l’encre, de la peinture, de la sculpture ! De même pendant longtemps j’étais celui qui faisait du théâtre politique, l’auteur de banlieue issu de l’immigration. On s’étonnait que je puisse écrire sur la guerre d’Algérie et ensuite aller faire une comédie au théâtre du Rond-Point avec des acteurs de cinéma. Or je ne vois pas le problème ! Mahmoud Darwich dit de l’écriture qu’elle est le territoire. On ne parle pas d’écriture basque pour un auteur venant du Pays basque. Donc j’essaie de m’extraire de ça, de faire mon propre cheminement sur les formes et le fond. C’est important d’aller chercher ailleurs, d’expérimenter d’autres registres. Alan m’a donné très envie de travailler sur l’écriture de BD, mais aussi de reprendre un projet de roman que j’ai depuis longtemps. De nouvelles places en somme.

Propos recueillis par Olivia burton en mars 2018.