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Magazine

9 septembre 2021
À lireEntretiens2021-2022

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Entretien avec Régine Chopinot

Vous avez un parcours considérable dans la danse contemporaine, qu’est-ce qui nourrit aujourd’hui votre désir de création ?

Régine Chopinot : Je travaille dans l'action avant toute chose, vient ensuite l’analyse. Je constate un grand changement de comportement artistique en ce qui me concerne depuis la fin de mon séjour au Centre Chorégraphique National de La Rochelle. Cela a démarré avec Very Wetr ! en 2012, puis après avec Pacifikmeltingpot entre 2015 et 2018 : le temps est devenu une partie prioritaire de l’organisation, mais aussi de la création. Et avec la réduction des moyens financiers et la raréfaction des occasions de recherche, où je peux regrouper des personnes pour monter une pièce, sont apparues de nouvelles contraintes. La situation extérieure m’interpelle aussi. Enfin, comme vous le dites joliment, le fait que j'ai un parcours qui est désormais considérable, donc à considérer, me presse, vu que la fin se rapproche - de toutes façons elle se rapproche tout le temps, dès le premier jour (rires) ! Je suis donc amenée à me réunir, ce que je n'avais jamais entrepris jusque là. J'avais exercé la dispersion d'une manière intuitive, il fallait que je m'éclate dans le bon sens du terme, c'est-à-dire que je me disperse pour me perdre. Maintenant je sais que je n'aurai pas quarante ans de nouveau à parcourir. Tout à coup la permanence commence à m'intéresser et de fait je dois être la première personne à considérer mon travail. Ce que je n'ai pas toujours fait, j'étais plutôt dans la déconsidération. 

Vous voulez dire ne pas vous prendre au sérieux ?

Pas tellement ne pas me prendre au sérieux mais plutôt effacer sans cesse. Ce qui a lieu est nouveau pour moi. Avec A D-N je me suis rendu compte que je recyclais des éléments de mon parcours et que tout à coup je commençais moi-même à les identifier. Ce que j’avais toujours refusé de faire. Dans « top » je suis à la fois étonnée et tellement heureuse de voir de la permanence dans mon travail alors que je croyais que j'étais inconséquente, que je n'avais pas de poids. Dans cette pièce je vois des éléments que j'ai toujours utilisés, par exemple, pour le début - ce sont des choses que je ne décide pas consciemment mais qui s'imposent à moi - tout à coup je leur ai dit : mettez-vous en petit peuple ! Et ce petit peuple là a une signature : ils se secouent, ils sont regroupés, ils ont besoin de se tenir au chaud. Ce petit peuple, très consciemment, a été nommé dans ma dernière pièce de Cornucopiae, où tous les gens étaient cachés, c'était vraiment la création d'un petit peuple. Il y a aussi se donner la main, c’est un signe que j'ai utilisé depuis Grand Écart, une de mes pièces des années 80. Et au lieu que cela m’angoisse de recycler, je me reconnais, je suis en train tout à coup d'apprécier ce travail de mémoire, qui s’avère très fécond par ailleurs. Je suis en train, à mon grand étonnement, de me relire, de dégager une personnalité au travers d'une certaine récurrence d'actes chorégraphiques qui émergent, et que je suis contente de saluer, ils sont là depuis si longtemps et je les ai tellement ignorés !

Comment fonctionnez-vous avec les interprètes, les danseurs, les musiciens, est-ce que vous leur donnez des images, est-ce que vous procédez par improvisations ?

Je travaille toujours de la même manière, ce qui diffère ce sont les personnes choisies. Tout ce que je fais depuis une dizaine d’années s'appuie sur une capacité à mettre en situation l’espace, le plateau, l’architecture, y compris les espaces intérieurs des personnes et leurs architectures propres. Ensuite, je tiens à la musique en live, cela doit faire plus de vingt ans que je n’utilise plus de bande enregistrée. En création, je fais appel à une multitude d'outils qui proviennent de mes quarante années d’expériences avec tous les chercheurs que je rencontre encore, des outils pour être présent et là. Parmi ces outils, il y a ceux qui proviennent du yoga, notamment un travail de conscientisation. C'est par l’action que l’on avance, c’est le chemin qui m’intéresse. Je ne crois pas à une finalité, je cherche à les laisser toujours, à nous laisser toujours, en mobilisation, en écoute. Donc effectivement cela peut passer par des outils de l’imaginaire, par les mots. Concrètement, nous avons une grande pratique physique tous les matins. J'ai une très bonne connaissance de l’anatomie, de la physiologie. Cela induit un travail qui structure, qui s’expérimente. Par exemple, je peux déjà demander à une personne de marcher avec les pieds en parallèle. Plus personne ne marche en parallèle aujourd'hui ! C’est une attention. Ou je peux demander à une personne, parce qu’il me semble qu’elle n'utilise jamais son bassin, pendant un jour ou deux, de ne faire attention, de n’écouter, de n’organiser son mouvement, ses déplacements, son énergie que par rapport au bassin. Je travaille sur du concret et je suis d’une exigence maladive parce qu’ils ont tout de suite envie de lâcher l’outil pour gigoter !

L'outil basé sur l'architecture physique des interprètes s’applique-t-il aux musiciens ?

Je travaille avec les musiciens comme je travaille avec les danseurs : l'horizontalité du regard. Qu’est-ce qu’un regard qui se pose sur l’horizon ? Pas au-dessus, parce que dès que l’on regarde au-dessus de l’horizon, derrière cela pince toutes les cervicales qui ne sont pas contentes parce qu’elles ont besoin d’espace. La colonne est derrière nous, toute notre structure est derrière nous et cette conscience oblige à effacer la face ! Alors que nous sommes dans une société qui revendique sans cesse la présentation, ce que l’on voit, ce qui est devant. Mais l'axe qui organise le fonctionnement du corps en mouvement est derrière nous. Je passe mon temps à revenir aux fondamentaux, y compris avec les musiciens. Par exemple, Vincent, notre batteur sur « top », cela lui a révolutionné son jeu d'arrêter de regarder au-dessus ou tout à coup de baisser la tête vers sa batterie. Il a trouvé un autre espace d'expression musicale avec une multitude de chemins à expérimenter rien qu’en repositionnant son regard. 

Est-ce qu'il y a toujours une préoccupation politique ou sociale à la base de votre travail ?

Tout acte est politique. Au tout début, il y a quarante ans, je faisais l’idiote, j’esquivais la question. Aujourd’hui, le fait que je sois en situation de fin de partie m’interpelle, surtout par rapport aux jeunes qui sont en train de se construire, de s’inventer, de rêver. Ce qui me paraît important c’est que certains anciens continuent à « fumer », c’est-à-dire à transmettre. Je pense que dans « top », où il n'y a que des jeunes interprètes, je suis en train d’y participer. Il faut être attentif à nos actes parce que quelque part c'est déjà trop tard. Je parle de la situation écologique, je parle de la connaissance, je parle de la beauté. Ce matin je me suis réveillée avec ces deux mots : ajustement infini. Nous devons nous ajuster d'une manière infinie à l’impermanence, et c’est un exercice de haut vol. Cela implique qu’il faut arrêter de dire quelque chose et de faire l’inverse, oui les actes ont des conséquences. C'est extrêmement difficile ce travail que je mène, parce que sous des aspects de grande simplicité il y a une manière de se révéler à soi, mais aussi au monde dans lequel nous nous inscrivons. Avec l’idée de se responsabiliser.

Propos recueillis par Tony Abdo-Hanna en mai 2021.

« top » est présenté avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme Artistes dans la Cité.