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Magazine

9 octobre 2020
À lireReportages2020-2021

Un samedi de retrouvailles #2

Reportage de Jarnoul Doberd

C’est la rentrée ! Après avoir couvert le 4 juillet le premier samedi de retrouvailles post confinement à la MC93, le reporter maison, de retour des vacances d’été, est convié à suivre le programme dense et éclectique du samedi 29 août. Sont annoncés une représentation théâtrale, un jeu de société grandeur nature, une lecture de contes, un atelier danse et une répétition chorégraphique ouverte. Il s’agit, à nouveau, tout au long de cette journée, de se retrouver, se compter, se saluer, prendre et donner des nouvelles, en préambule à la saison officielle qui démarrera en septembre. La veille de ce samedi l’on se prend à s’interroger sur ses retrouvailles, le gouvernement vient de durcir les consignes de sécurité sanitaire en Île-de-France : le port du masque est désormais obligatoire partout dans l’espace public. Comment cela va-t-il se passer ? Les acteurs jouant dans le hall de la MC93 au milieu du public seront-ils masqués ? Le public sera-t-il au rendez-vous ?

Samedi à 11h15, le hall de la MC93 annonce une fréquentation rassurante : salutations entre familiers de la maison, on repère quelques metteur.se.s en scène et comédien.ne.s dans le public qui s’installe sur les gradins en bois dressés dans l’espace dédié habituellement à la restauration. Le bar est fermé, en attendant le début du spectacle on discute de la situation sanitaire exceptionnelle et de l’inconfort obligé des masques que tout le monde porte consciencieusement, on évalue les perspectives incertaines du spectacle vivant à moyen et long terme… Cent cinquante personnes sont finalement présentes à cette invitation de la maison pour cette seule représentation d’un spectacle originellement prévu en avril pour dix dates.

Le metteur en scène juché sur une chaise, dans un coin à l’arrière du public, supervise l’action et accompagne les tirades en dodelinant de la tête, comme habité par chaque personnage.


La pièce mise en scène par Sylvain Creuzevault, Banquet Capital, démarre en trombe : les comédiens arrivent en force et s’interpellent avec passion et véhémence autour de la grande table de banquet qui constitue l’essentiel de la scénographie. Les débats portent sur les options tactiques les plus pertinentes à adopter pour mener à bien l’insurrection en cours. On regarde avec envie les acteurs, heureusement sans masques, tremper leurs lèvres entre deux harangues, dans des verres de ce qui semble bien être du vin rouge. L’action se déroule en 1848, au lendemain de la proclamation de la deuxième république, les personnages se nomment Blanqui, Barbès, Raspail, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Lamartine, Baudelaire mais aussi, plus tardivement dans la pièce, Engels, Jacques Lacan et « son père » Sigmund Freud ! Le texte joué avec brio et une rare énergie par la douzaine de comédiens oscille en effet entre faits historiques bruts, analyse sociologique et philosophique, humour parfois absurde et poésie. Tout le long du spectacle, le metteur en scène juché sur une chaise, dans un coin à l’arrière du public, supervise l’action et accompagne les tirades en dodelinant de la tête, comme habité par chaque personnage. On assiste à un rappel historique sur les assemblées qui ont débattu des principaux enjeux de la société contemporaine et forgé dans des débats plutôt démocratiques puis instauré les bases du fonctionnement de la république. L’on songe à tous les mouvements révolutionnaires en cours actuellement dans le monde auxquels manquent cruellement une telle organisation et ses figures inspiratrices. Une ovation salue la fin du spectacle, des « bravos » retentissent sans discontinuer pendant sept rappels admiratifs, chargés d’émotion : les retrouvailles du spectacle ont bien eu lieu.

La foule quitte progressivement le théâtre, certains marquent une pause cigarette sur le parvis, renouvelant les débats par petits groupes. À l’intérieur les techniciens s’attaquent illico au démontage des gradins et des projecteurs et au rangement des accessoires. Cela prendra environ une heure et demi. Pendant ce temps, un coin du bar propose des sandwichs et des petites salades : dans une convivialité impromptue, de petites tablées s’organisent au milieu du hall.

À 14h30, armé de mon âme d’enfant, je me dirige vers le « studio » où est prévu un jeu de l’oie à l’échelle humaine, dédié à l’univers du théâtre, concocté par la comédienne Sarah Chaumette et la plasticienne Céline Drouin Laroche. Dans la salle, à même le sol, un parcours en escargot a été tracé à l’aide de rubans adhésifs de couleur. Les trente-six cases réglementaires recèlent des inscriptions a priori mystérieuses et des dessins naïfs, des gamins s’amusent à lancer deux énormes dès en carton. Les conceptrices expliquent aux participants que Loâ - qui donne son nom à cette version du jeu - représente un esprit bienfaisant, que l’on peut croiser au hasard des cases, et qui octroie bien sûr des avantages. Quant à la Balbynie, on constate en effet que les participants présents durant cet après-midi sont exclusivement des balbyniens voisins, dont certains déjà familiers des deux animatrices. En effet, une partie des enfants présents a participé la veille avec les artistes à la conception du parcours et est revenue l’étrenner aujourd’hui avec d’autres camarades. En suivant les parcours palpitants - coups de théâtres, révélation de personnalités, fantaisies créatives, enjeu de la victoire - de Anissa, Awa, Ayline, Bilel, Kadija, Sirine et Yasmine, je décode progressivement les arcanes de l’itinéraire dans lequel les joueurs avancent et stationnent à l’intérieur même des cases.

La plus spectaculaire est celle de la grande fête de Loâ qui amène toute l’assistance à taper des mains pendant que l’élu.e danse joyeusement sur place !


Un lancer de dé initial détermine l’ordre des tours, chaque joueur se voit attribuer un bandeau de couleur et une plume qui le distinguent. Le parcours est divisé en huit zones successives : Bobigny, la forêt, une grotte, un fil suspendu, la montagne, une surface gelée, une surface aquatique et pour finir l’espace. Dans chaque zone le joueur mime la progression adéquate : pas normal, exploration, tâtonnement, équilibre, escalade, glisse, natation ou vol. La Loâ de la forêt inspire une formule magique et permet d’avancer de trois cases, la case « loup-garou » accorde de se transformer en un animal de son choix, la « statue » de la montagne pétrifie le joueur qui passe un tour, quant aux « vortex » il en est un de bénéfique qui accélère le parcours et un autre très pénalisant qui oblige de retourner en tournoyant à la case départ ! Il y a aussi les cases qui donnent droit à un cadeau : un collier de fleurs, des gants ou des lunettes fumées ou celles qui invitent à conter un souvenir ; la plus spectaculaire est celle de la grande fête de Loâ qui amène toute l’assistance à taper des mains pendant que l’élu.e danse joyeusement sur place ! Les enfants, d’abord intimidés, prennent peu à peu de l’assurance pour investir avec entrain les différents jeux de rôle, constamment accompagnés et soutenus par l’une ou l’autre des artistes conceptrices. Deux parties de quarante-cinq minutes chacune se déroulent avant la pause goûter. Le hall est tranquille, à l’étage se déroule le très couru atelier de danse de Nacera Belaza dont j’ai eu le plaisir de rendre compte lors du précédent reportage.

Les quatre contes qui vont se succéder ont été recueillis en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, ou au Mali


Adama Adepoju se présente lui-même sous ce jeu de mots que ses récits vont abondamment illustrer. Il est 17h, nous sommes dans le hall du côté opposé à l’espace de restauration, et une trentaine de personnes sont assises sur des bancs en large cercle autour du conteur. La séance a été introduite par Brigitte Bignotti, directrice de la bibliothèque de Bobigny, qui a choisi cette programmation dans le cadre d’un cycle de représentations de contes à la MC93, sorte d’avant-propos à la saison Africa2020 et du QG africain à la MC93 en décembre. Il y a dans le public un peu plus d’adultes que d’enfants, on devine une fréquentation familiale, de voisinage. Le conteur exprime pour commencer son bonheur d’être parmi nous après avoir vécu six mois de confinement en Côte d’Ivoire. Les quatre contes qui vont se succéder ont été recueillis en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, ou au Mali, ils seront émaillés de percussions, de chants et de formules traditionnelles reprises en chœur par le public. Cela débute avec une version inédite de la Genèse où l’eau représente le principe féminin, puis c’est l’histoire de Sadio, adolescente qui se prend d’amitié pour un hippopotame, les deux derniers contes, plus politiques, illustrent et dénoncent l’exploitation commerciale de l’eau, déjouée par la « danse de l’eau » que le public debout exécute volontiers. La devise « L’eau c’est la vie » conclut la performance très applaudie du conteur.

Il est 18h30 et le reporter commence à rêver à bien autre chose que de l’eau mais la pression bien fraîche du bar attendra, le programme de la journée s’enchaîne !

Tout semble faire sens pour les interprètes dont émane une exaltante liberté.


Direction salle Christian Bourgois pour la répétition ouverte de Régine Chopinot et ses danseur.se.s. La chorégraphe est en résidence à la MC93 depuis 2018 pour un atelier de recherche qui débouchera sur un spectacle. Elle a décidé de proposer des ouvertures régulières au public : ce soir une soixantaine de personnes ont répondu à l’invitation. Régine Chopinot introduit la séance et présente ses neuf interprètes dont deux musiciens, à la batterie et à la guitare électrique équipée d’effets électroniques. Cela débute par un chant a capella puis les instruments entrent en jeu sur un premier solo de danseur. La musique occupe une place cruciale, planante et percussive, maintenant une tension constante, pendant que les sept danseuses et danseurs déroulent des enchaînements très disparates, dramatiques, mystérieux, jamais attendus : une sorte de théâtre sans texte. Il n’y a pas de brio gratuit, tout semble faire sens pour les interprètes dont émane une exaltante liberté. Nul doute qu’une très grande partie des présents reviendra voir la restitution finale de ce spectacle dans la saison 2021-2022. La chorégraphe est invitée à rejoindre la troupe au moment de saluts très enthousiastes, puis se prête à quelques échanges avec le public. L’occasion de remercier « Hortense Archambault et son équipe de nous accueillir dans une de ces maisons qui vont bientôt devenir des refuges, il y a peu d’endroits comme cela, des endroits où cela continue ». Déjà grisé par une rare accumulation d’émotions, le reporter a le plaisir de se voir inviter, pour clore cette journée exceptionnelle, à un petit pot informel offert dans le hall de la MC93 autour de quelques artistes et membres de l’équipe du théâtre. L’atmosphère, très cordiale, reste comme recueillie.

Jarnoul Doberd

 

Et aussi, découvrez prochainement le documentaire Retrouvailles de Mathieu Foubert et Patrick Muller !