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Magazine

25 janvier 2022
À lireEntretiens2021-2022

Un théâtre qui groove

Entretien avec Sara Llorca autour de Yala

Après avoir co-écrit votre pièce précédente La Terre se révolte, comment est venue l’envie d’assumer seule l’écriture de Yala ?

Sara Llorca : Sur La Terre se révolte j’avais sous-estimé la difficulté d’écrire à trois. En voulant écrire à plusieurs, j’avais pensé capter une vérité absolue, une force universelle qui allait réunir le public. Très enrichissante, cette expérience a libéré mon imaginaire. Sur Yala, j’ai accepté de poser un point de vue éminemment subjectif tout en m’inscrivant dans une recherche très aventureuse, la quête du Duende.

Qu’est-ce que le Duende ?

Dans les soubassements de Yala, il y a le Duende, c’est le socle virtuel sur lequel repose le projet. Le Duende est une notion vague et mystérieuse, baptisée par les espagnols, une manière de chanter, de danser, de déclamer de la poésie, une manière d’appeler les bons esprits, de pacifier avec les morts. Il y a une relation entre cet art et l’exil, l’invisible, le transcendant. Federico García Lorca a composé un écrit autour de cette notion et ce texte, traduit en plusieurs langues, circule dans le monde entier. Il fait écho chez chaque artiste, quelque soit sa culture ou sa discipline. Qu’on l’appelle « état de grâce », ou « timatio » chez les Congolais par exemple, quand on l’atteint on le ressent clairement !

"C’est sans doute mon canal : raconter l’amour mais en changeant les fondements, les appuis sensibles, historiques."
 

Est-ce cela que désigne le mot « Yala » ?

C’est un clin d’œil, « Yala » en langue Kikongo désigne une cérémonie destinée à favoriser l’émergence de l’équilibre, de l’harmonie.

C’est une histoire d’amour dans Yala qui sert de vecteur au Duende.

Oui ! Encore une, puisque La Terre se révolte était aussi une histoire d’amour in fine. C’est sans doute mon canal : raconter l’amour mais en changeant les fondements, les appuis sensibles, historiques.

Le style que vous adoptez pour l’écriture du texte, ce style poétique qui n’emprunte pas à la narration classique, est-il lié à la recherche du Duende ?

C’est venu comme cela ! Je découvre mon propre style ! C’est une révélation pour moi de voir que cela sort sous cette forme, et cela me convient. Et quand je l’entends dans la bouche de mes complices danseur et musiciens, cela sonne comme j’ai envie. Je crois que j’ai humblement cherché à faire groover le français !

La musique et la danse ont toujours accompagné vos spectacles, occupent-elles une place plus particulière dans Yala ?

Une présence plus centrale, oui. Mon théâtre a été nourri par les Grecs et, pour régénérer cet esprit antique ou archaïque, on ne peut faire l’économie de la musique live, ni celle du mouvement. Il faut quelque chose qui fasse lever le public. Cette voie que je creuse, année après année, relève peut-être plus du récital poétique, ou de la performance poétique, ou de l’oratorio.

Dans Yala, vous-même et les trois autres interprètes êtes amenés à des pratiques artistiques qui vous sont inhabituelles : chacun joue, chante, danse.

Oui, mais j’ai un peu triché dans la distribution, je me suis facilité la tâche ! Les deux bassistes et compositeurs de la musique du spectacle, Benoît Lugué et Armel Malonga, sont également chanteurs, ils ont une curiosité et une pratique du texte. Quant à DeLaVallet Bidiefono, le chorégraphe qui m’accompagne sur Yala, il entretient un rapport avec la narration, c’est quelqu’un qui est proche de l’esprit de Pina Bausch, ses pièces chorégraphiques ont toujours une dimension théâtrale. De plus il a été rappeur au Congo. De mon côté, dans la perspective de partager la scène avec DeLaVallet, je me suis préparée, je me suis remise à l'entrainement : course à pied, gym ou natation, tous les jours ! Yala est un vrai challenge pour nous quatre !

Comment avez-vous choisi vos trois partenaires ?

Ce spectacle vient de loin en vérité. Cela fait une dizaine d’années que nous nous croisons tous les quatre grâce à diverses collaborations, j’avais envie d’un projet qui puisse nous réunir, je l’ai conçu sur mesure. J’ai parlé à mes partenaires du Duende et cela a toute de suite fait mouche. La transe pour Benoît est une chose qu'il développe dans son groupe BAKOS, et pour DeLaVallet et Armel c'est lié à l'enseignement qu'ils ont reçu des maîtres au Congo. Je leur ai lu des extraits de Jeu et théorie du Duende et puis des poèmes à moi. Ils ont voulu essayé des choses, tout de suite. Nous avons initié les premières sessions à la maison. Nous avons improvisé pendant des heures pour trouver notre son. Je prenais des notes. J'enregistrais sur un petit appareil numérique. J'ai tout ré-écouté, à tête reposée, cela m’a pris quelques mois pour concevoir une pièce à proprement parlé. C'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il me fallait absolument un allié dans l'équipe, quelqu'un qui vienne de la littérature, quelqu'un de suffisamment ouvert pour accepter de nous accompagner jusqu'à la première du spectacle sur une aventure très intuitive. Cette personne, le dramaturge du spectacle, nous aide à trouver le point de rencontre exact entre nos pratiques et il est le garant très vigilant de l’intégrité de mon texte.

"C'est un théâtre qui groove ! Une sorte de fête, de cérémonie païenne, pleine de nos diverses influences à chacun, une synthèse de ce que nous avons appris ensemble, au contact les uns des autres"
 

Comment s'organise le travail des musiciens et du chorégraphe-danseur depuis le début des répétitions ?

Depuis que nous sommes en répétition dans un vrai théâtre, avec les lumières, le décor, les costumes, le but est de construire une fresque, orchestrer le tout. DeLaVallet s'impose naturellement comme chorégraphe et notre duo de « directeur/trice » balance bien. DeLaVallet nous pousse très loin dans le lâcher-prise. Il veut que ça joue fort, que le décor soit vivant. Benoît et Armel sont extrêmement accaparés par la musique puisqu'ils ne veulent pas « tricher », rien enregistrer d'avance. Tout doit partir du plateau, en direct, live. Ils ne sont que deux et pourtant ils forment un orchestre extrêmement complexe, grâce aux pédales, aux boucleurs, à leurs voix et aux percussions qui viennent s’ajouter ici et là. Je dois souvent imposer le silence, revenir aux fondamentaux comme la diction ou le bon placement du souffle, leur demander de ralentir le débit, de faire appel à leur imaginaire afin de jouer avec le texte comme une matière concrète. L’atmosphère est sérieuse mais sereine, nous travaillons en toute confiance mutuelle.

Comment qualifieriez-vous aujourd'hui l'objet théâtral qui est en train de naître ?

Il déborde d'énergie ! C'est un théâtre qui groove ! Une sorte de fête, de cérémonie païenne, pleine de nos diverses influences à chacun, une synthèse de ce que nous avons appris ensemble, au contact les uns des autres, une façon aussi de continuer à nous étonner, à nous dépasser, à nous mettre à nu tout en gardant une saine dérision vis-à-vis de nous-mêmes !

Propos recueillis par Tony Abdo-Hanna le 4 mai 2021
Crédit photos : © Arnaud Bertereau