La Fabrique d’expériences

Présentation
Ca raconte ca
Il semblerait qu’on soit toujours le spectateur de quelque chose – enfin, parfois. Il semblerait aussi, du moins sociologiquement depuis Rancière, que le spectateur se soit émancipé, que le sujet et l’objet c’est forcément une affaire de co-construction. Qu’on entend même le faire participer, interactivement, le spectateur. Il semblerait bien qu’on puisse y prendre du plaisir, à être spectateur – assis debout embarqué choqué séduit fasciné – mais que cette position est intenable quand le monde dans lequel nous vivons s’effondre sur lui-même, plus ou moins lentement. Que le mot fait peur à certain.e.s, et qu’il en rassure d’autres. Il semblerait que tout dépend : où on se tient, et devant quoi, au juste, comment on se place, qui parle, à qui, pourquoi, et depuis quels possibles, quelle capacité, quelle sensibilité ? Que ce mot-là en appelle de nombreux autres – observer, écouter, culture, économie, économie de l’attention, étudier, apprendre, éducation, distance, pouvoirs publics, décor, texte, imiter, témoigner, se laisser émouvoir et se laisser porter, show must go on, ennui, dialogue, réagir, prendre conscience, action... Que ce mot circule, partout, du théâtre à la rue, de la scène au réel, du temps pour soi à l’urgence politique.
Pas évident. Tant mieux. Ça donne du grain à moudre.
Accueilli par la MC93 à Bobigny, le Master 1 de Création littéraire de l’université Paris 8 s’est trouvé, in situ, traversé par cette notion, et a tenté de la saisir, ou de la laisser échapper, ou d’aller voir ailleurs si elle y était, aussi, ou pas. Pendant dix jours, nous avons arpenté la MC93 : rencontré les équipes, vu des spectacles de la programmation, participé aux ateliers, échangé avec des habitué.e.s du lieu, et des habitant.e.s de Bobigny... Une découverte par fragments, dans un temps très court, une expérience collective, passionnante. Qui n’a rien eu d’un huis clos : nous avons été rattrapé.e.s par les événements, le spectacle du dehors est venu bousculer l’ordre attendu des choses, pour s’infiltrer dans nos textes. « Ça raconte ça » donne à entendre cet instant -t, un moment partagé et traduit par une pluralité de regards, de pensées, de désirs et d’écritures, assemblés ici dans une série de textes lus.