Les institutions culturelles françaises se réinventent constamment depuis quelques décennies à travers l’intégration de divers héritages : des grands principes légués par l’ère Malraux aux apports de l’éducation populaire, et plus récemment, l’affirmation des droits culturels à l’échelle mondiale. Nombre d’entre elles sont localisées dans des territoires en profonde mutation, de plus en plus marqués par des phénomènes de fragmentation et d’exclusion. Qu’elles soient repensées comme lieu d’hospitalité, lieu de vie ou « safe place », elles (re)construisent une relation aux publics, aux habitants, aux espaces environnants, en faisant une large place à l’expérimentation.

Elles sont envisagées comme des « espaces communs » cherchant à maximiser les interactions entre individus ou groupes sociaux différents. Ces institutions sont alors conçues comme des lieux d’urbanité, ancrés dans leurs territoires, c’est-à-dire favorisant le lien spatial et l’être ensemble au-delà de leur fonction de scène artistique.

C’est dans ce contexte que la MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis et la Scène nationale de l’Essonne — Agora Desnos, ont souhaité développer un partenariat avec des chercheurs du MRTE* et du Lab’Urba**, dont les travaux portent sur le développement culturel et questionnent les liens des lieux culturels à leur environnement social et spatial.

Les chercheuses Élizabeth Auclair et Anne Hertzog ont accompagné ces deux structures pendant quatre ans (entre 2017 et 2021), dans le cadre d’une recherche-action, soutenue par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France, afin de « mesurer l’empreinte civique de chaque théâtre sur leur territoire ». Si les structures disposent déjà de nombreuses statistiques concernant leur fréquentation, l’objectif était d’aller plus loin en élaborant des indicateurs qualitatifs permettant de mesurer l’empreinte civique de ces théâtres sur le temps long, leur place et leur visibilité dans leur territoire, l’impact de leur action sur la vie quotidienne et sur la trajectoire de différentes populations. Ce temps long a permis une évaluation fine de l’action des théâtres en prenant en compte l’évolution de leur action et la manière dont celle-ci croise des trajectoires personnelles. Ainsi sont produites des « photographies » de leur place dans le territoire à différents moments, notamment au début et à la fin du projet, grâce notamment à la mise en place de cartes mentales réalisées avec des participants et spectateurs de ces lieux et d’une base de données, outil de cartographie de l’action des lieux sur leur territoire.

*MRTE : Mobilités, Réseaux, Territoires, Environnement

** Lab’Urba : Laboratoire de l'action collective urbaine

Comment penser, représenter, évaluer l’empreinte des lieux culturels sur les territoires ? À quelles conditions se construisent les relations des lieux culturels à leur environnement sociospatial, en réponse à quels enjeux et avec quelles limites ? Par quels processus et à travers quelles pratiques les équipes mettent-elles en œuvre et cherchent-elles à évaluer leur projet lorsque ceux-ci sont « situés » ? Peut-on y voir un renouveau des politiques culturelles ? Le contexte français est-il spécifique ou observe-t-on les mêmes transformations dans d’autres pays ? C’est à ces questions que le colloque des 15 et 16 décembre 2021 s’est proposé de répondre.

Un premier colloque a eu lieu le 15 novembre 2019 à l'Université de CY Cergy Paris Université.