En 2019, à Bobigny, à l’occasion de la présentation de sa nouvelle pièce, Le Cercle, Nacera Belaza propose un parcours choisi dans son répertoire à travers un programme chorégraphique composée de trois pièces : La Nuit, La Traversée et Sur le fil portées par un à trois interprètes.

Elle débute également une résidence à la MC93 pendant laquellle elle invite le public à participer à un atelier de recherche au long cours sur les danses traditionnelles ainsi qu’à une Procession ouverte à tous.

« J’ai pu conduire cette année à la MC93 deux importants projets participatifs : des ateliers autour de mon futur spectacle ainsi que la création d’une Procession (marche dansée), regroupant une trentaine d’amateurs au cœur même de la ville de Bobigny.

Le projet Transmission s’adressait à la fois à un public amateur et professionnel. Il a permis de confronter les modes d’appréhension des uns et des autres et de décloisonner les approches autour des danses traditionnelles algériennes.

Travailler la majeure partie du temps avec le même « profil » de danseurs finit inévitablement par installer une certaine « technique » de travail, un vocabulaire spécifique. Le « croisement » des regards des amateurs avec les professionnels a été un enrichissement de part et d’autre. Chacun a pu prendre conscience de ses angles morts et écueils en observant l’autre. Je reste pour ma part convaincue que le professionnel doit en permanence conjuguer un regard « neuf », c’est-à-dire l’innocence de la première fois et l’inlassable répétition qui permet d’incorporer l’idée dans la matière.

L’Art n’est-il pas « la nature traversée par la conscience » ? De ce point de vue, j’ai senti les danseurs professionnels déstabilisés, délogés du lieu de leurs certitudes, ils étaient contraints de réactiver plus fortement leur écoute et compréhension.

Enfin, du côté de mon processus de création, il a également subi d’heureuses turbulences. J’ai dû entrevoir, dans cette relation professionnels/ amateurs, un dialogue en trouvant les points d’accords. Cette tension a modifié un ensemble de choses, on se met à voir ce que l’autre (l’amateur) voit, son questionnement, les obstacles qu’il rencontre sont très différents de ceux du danseur professionnel. Surtout, il ignore les innombrables parades qui s’installent chez le professionnel à notre insu. Cela l’oblige à se relier à lui-même de façon plus directe, sans calcul. Car, faut-il le rappeler, la scène peut devenir le lieu sublime de la vérité nue mais aussi celui de la plus grande simulation. Cela tient à nos aspirations les plus profondes mais aussi à l’humilité retrouvée de celui qui ne sait pas. »

Nacera Belaza, juillet 2019