La MC93
Par sa programmation artistique, sa réputation et son évolution, la MC93, héritière des ambitieuses maisons de la culture voulues par l’État et portée par les collectivités locales, occupe une place singulière dans le label des Scènes Nationales puisqu’elle est à la fois un lieu de production de spectacle et ouverte sur l’international depuis son origine. Depuis 2020, elle est Pôle Européen de Production.
À partir de 2015, elle est dirigée par Hortense Archambault pour y mener un projet de théâtre public ouvert sur la ville, destiné à tou·tes et en priorité aux habitant·es du 93, un lieu qui réinterroge sans cesse la question des communs. Associant spectateurs, artistes, enseignant·es, travailleur·ses sociaux·ales, la MC93 a développé une Fabrique d’expériences conçue comme un espace de création et émancipation où chacun·e a la possibilité de déployer et partager son imaginaire. Elle regroupe des ateliers de pratique, des résidences de création impliquant des habitants, des endroits de rencontres et de réflexions, qui contribuent à renouveler le rapport de l’institution avec ses usagers.
Être un lieu public qui réinterroge sans cesse la question des communs.
La programmation est contemporaine, car c’est le lieu où s’invente en se représentant notre société, où s’écrivent les récits d’aujourd’hui, où se racontent les histoires d’hier pour mieux envisager l’avenir, où se partagent les traditions du monde entier revisitées par des artistes contemporains. Elle est aussi populaire, car aucune esthétique n’est au préalable populaire. La programmation est pensée pour être universelle, malgré son exigence et c’est l’accompagnement du spectateur, sa considération et l’attention qu’on lui porte qui en font le caractère populaire.
La MC93 s’est aussi dotée d’une « Fabrique d’expériences » qui regroupe des ateliers de pratique, des résidences de création impliquant des habitants du territoire, des endroits de rencontres et de réflexion qui concourent à renouveler le rapport de l’institution qu’elle est, avec ses usagers. Le projet vise à en faire un lieu de métissage culturel et de mixité sociale.
Par sa situation géographique dans la ville de Bobigny à la périphérie de Paris, la MC93 est un équipement culturel d’une ambition artistique exemplaire au cœur d’un territoire en pleine mutation et représentatif des défis de société que la France doit relever, parmi lesquels tout particulièrement les questions de la jeunesse et de la diversité culturelle. C’est là que l’on peut vivre, penser et inventer une France dans une Europe ouverte sur le monde, imaginative et généreuse, porteuse de valeurs des droits de l’homme et confiante dans l’avenir.
Par sa programmation artistique, sa réputation et son évolution, la Maison est emblématique des institutions culturelles françaises. Héritière des ambitieuses maisons de la culture voulues par André Malraux, ministre de la Culture après la Seconde Guerre mondiale, portée par les collectivités locales, cette « scène nationale » occupe une place singulière puisqu’elle est à la fois un lieu de production au rayonnement incontestable et ouverte sur l’international depuis son origine. Ce qui en fait une institution singulière dans ce label.
Convaincue que le théâtre peut être le lieu des possibles de chair et d’esprit, un lieu où il y a toujours de la lumière, un lieu de prise de paroles, Hortense Archambault mène un projet pour la Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis qui tente de prendre en compte les évolutions de notre société, pas dans une attitude de déploration mais à travers un constat lucide de ses enjeux. C’est la grande force de la Maison de la Culture de pouvoir être dans la ville, au-delà de la ville, un lieu de rassemblement, de débats et de pensée. Être un lieu public qui réinterroge sans cesse la question des communs. Du commun en effet s’y fabrique dans notre capacité à partager avec les autres une expérience esthétique, d’éprouver nos divergences et de les affronter. La programmation des spectacles pluridisciplinaire – théâtre, danse, musique – cherche à être puissante, faite de frottements, de cultures différentes, de générations en conflits, à l’image de notre temps. Ainsi au cœur d’un territoire, peut s’opérer à travers le « théâtre », la possibilité de vivre nos contradictions dans la douceur, au-delà d’une violence assumée et dépassée.
Intervention d'Hortense Archambault au BIS Nantes, le 20 janvier 2016
La Fabrique d'expériences part du constat que le théâtre public doit se penser non plus uniquement comme un lieu de programmation de spectacles, mais aussi comme un lieu qui contribue à faire ensemble société — un espace de mixité sociale et de métissage culturel.
Avec la Fabrique d’expériences, s’élargit donc le champ des possibles permettant de se déplacer et de se déprendre des catégories existantes pour changer de point de vue, en renouvelant les modes de relation d’une institution avec ses usagers. Il s’agit de réfléchir au périmètre de nos actions et de nos compétences. Comment, par exemple, adapter notre action aux modes de vie différenciés de nos sociétés multiculturelles, les reconnaître et les faire coexister ?
La réflexion sur les droits culturels nourrit la Fabrique. Cependant, leur définition très large rend complexe leur appréhension concrète et nécessaire leur expérimentation. Découlant des théories sur les droits humains, il s’agit d’accroître en chacun de nous sa capacité à négocier une meilleure position pour soi-même dans la société. Dans le domaine culturel, on peut traduire cela par la capacité de chacun à générer et déployer son propre imaginaire. Il n’y a pas de règle pour cela et c’est ce qui en fait tout l’intérêt et la difficulté.
Véritable laboratoire, la Fabrique explore, pour ce faire, plusieurs modalités : ateliers de pratique théâtrale, participation à des projets spécifiques, rencontres régulières avec les artistes en résidence. Elle propose également aux spectateurs d’être les compagnons, les ambassadeurs, en un mot, les acteurs des activités de la MC93.
La Fabrique d’expériences est un espace de liberté où chacun est tour à tour participant et chercheur, où les projets émanent de tous, artistes, enseignants, de groupes de spectateurs ou de personnes du champ social. Un espace qui est à la fois un lieu de création et d’émancipation.
Elle s’articule autour de trois axes principaux : la jeunesse, l’hospitalité, le territoire de Bobigny et de la Seine-Saint-Denis.
En juin 2020, la MC93 a été désignée par le ministère de la Culture et de la Communication « Pôle Européen de Production ». Aujourd’hui, 11 structures culturelles en France, dans différentes disciplines artistiques, constituent le réseau de Pôles européens de Production (PEP).
Ce dispositif de soutien reconnait un engagement historique de la Maison de la Culture en faveur de l’ouverture internationale de sa programmation et son rôle de producteur de spectacles. Il permet d’améliorer notre manière d’accompagner les artistes et de développer des relations avec d’autres lieux européens.
Notre ambition de pôle européen est de contribuer à l’ouverture de nos imaginaires tout en partageant nos expériences, et à la construction d’un projet pour une Europe désirable, attentive à la diversité de ses habitants, et culturellement traversée par le monde.
Être pôle européen c’est :
- Améliorer notre réseau de producteurs et diffuseurs à l’échelle du continent et sur le plan international.
- Produire avec des interprètes et techniciens français, en langue française des grands artistes européens.
- Partager à l’échelle européenne les questions majeures de transition du secteur du spectacle vivant : durabilité sociale et écologique avec STAGES, hospitalité, diversité, culture européenne ouverte avec Common Stories et ainsi engager le changement grâce à de nouvelles dynamiques et ressources.
« Si le développement de ce réseau s’est opéré avec une continuité exceptionnelle, c’est sans doute que les principes artistiques et humanistes, mais aussi les choix politiques qui le portaient, étaient assez forts pour surmonter ou accompagner toutes les évolutions et parfois les métamorphoses que connaissait le pays dans le même temps. »
Cahier des missions et des charges des scènes nationales
Le réseau des scènes nationales représente 78 maisons dédiées à la création contemporaine, reparties sur l’ensemble des régions métropolitaines, ainsi qu’en outre-mer. Principalement implantées au cœur des villes ou des agglomérations de taille moyenne (50 000 à 200 000 habitants), elles sont financées par leur ministère de tutelle, le ministère de la Culture, par les collectivités territoriales (villes, communautés de communes, conseils départementaux, régions) et par des mécènes.
Reflet de la diversité du paysage français, elles partagent les mêmes missions :
- Soutenir la création artistique
- Proposer une programmation permanente pluridisciplinaire et exigeante
- Développer une offre culturelle auprès de l’ensemble de la population
Un réseau en mouvement depuis 30 ans
Le 16 décembre 1991, Bernard Faivre d’Arcier, directeur du Théâtre et des Spectacles au ministère de la Culture, signe un courrier officiel attribuant le « label Scène nationale » à des établissements culturels qui réunissent certaines conditions : le soutien à la création et au développement culturel, une structure juridique garantissant l’indépendance du directeur, sa responsabilité en matière de gestion budgétaire et administrative, un lieu – bâtiment et scène(s) – réunissant les conditions techniques spécifiques au spectacle vivant et un cofinancement entre l’État et les collectivités locales. La Direction du Théâtre et des Spectacles crée alors ce réseau de 58 Scènes nationales – très vite, elles sont 61 –, nouveau cercle d’action de sa politique culturelle.
L’association des Scènes nationales, qui les rassemble pour la grande majorité, est un outil de réflexion exclusivement centré sur les enjeux liés à ce label et désireux de mieux en faire connaître l’activité, la diversité, la spécificité.
La MC93 a été voulue par les élus du Parti Communiste du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis à la fin des années 1960 dans la ville préfecture de Bobigny. Cette volonté s'inscrivant dans le mouvement de décentralisation théâtrale et la politique culturelle ambitieuse de la banlieue rouge. Elle ouvre ses portes en février 1980. Ce sont les architectes Valentin Fabre et Jean Perrottet qui réalisent le bâtiment.
Dès son origine, la MC93 a pour ambition la production d’œuvres internationales et devient ainsi l’un des premiers théâtres à présenter les spectacles en langue originale. Claude-Olivier Stern est directeur jusqu’en 1984, Joël Chosson lui succède pour un an. En 1985, René Gonzalez, metteur en scène, ancien directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis prend la direction de la Maison de la Culture et donne l'impulsion à des créations internationales. En 1989, Ariel Goldenberg lui succède pour onze saisons et poursuit le travail mené auprès des compagnies étrangères conférant à la MC93 un rayonnement international conséquent. En 2000, au départ d’Ariel Goldenberg, nommé directeur du Théâtre national de Chaillot, Patrick Sommier, conseiller artistique depuis plusieurs années de la Maison, prend la tête de la structure. Afin de développer et de soutenir les créations européennes, il créé notamment en 2003 le festival « Standard Idéal ».
En août 2015, Hortense Archambault, ancienne codirectrice du Festival d’Avignon, est nommée directrice. Le théâtre est alors en travaux pour deux années, le chantier est mené par Vincent Brossy.
La MC93 est rénovée après 35 ans de création théâtrale, d’action culturelle bouillonnante, de rayonnement sur la ville.
Conçus par l'agence d'architecture Brossy et Associés et par le scénographe Michel Fayet, la rénovation de la MC93 a permis le réaménagement de la salle Efremov (776 places), la création d'une deuxième salle modulable (220 places), d'un studio et d'une salle de lecture, permettant ainsi de démultiplier les formes des spectacles.
L’activité de production de la MC93 est renforcée avec une grande salle de répétition et un atelier de décors et de costumes, qui confirment la vocation de création de cette scène nationale.
Un projet collaboratif mené avec des habitants de Bobigny, des spectateurs et des acteurs du territoire a permis de repenser entièrement le nouveau hall de 700m2 pour lequel un mobilier original a été créé par le designer Johan Brunel, en partenariat avec la Fondation Hermès et les Compagnons du devoir.