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Magazine

23 novembre 2021
À lireEntretiens2021-2022

Bienvenue aux Hortensias

Entretien avec Patrick Pineau

Les Hortensias est une nouvelle étape dans votre collaboration artistique avec l'auteur Mohamed Rouabhi. Est-ce vous qui lui commandez des pièces ?

Notre collaboration va au-delà des pièces puisque nous organisons de multiples ateliers depuis de nombreuses années avec des amateurs ou dans des écoles de théâtre. Pour les pièces, ce sera la troisième que nous allons créer ensemble. Ces pièces sont le résultat de notre compagnonnage, de nos rencontres fréquentes, des discussions que nous avons régulièrement. Il ne s'agit pas à proprement parler de commandes mais d’envies que nous partageons à un moment donné. Après Jamais seul, joué à la MC93 en 2017, nous avons eu le désir de creuser un peu plus certains thèmes que nous avions abordés.

"Il y a beaucoup d'humour dans ses pièces mais aussi toujours quelque chose de grinçant, quelque chose qui fait un pas de côté"
 

Qu'est-ce qui caractérise pour vous l'écriture de Mohamed Rouabhi ?

C'est son univers qui me touche d'abord et bien sûr le style de son écriture. C'est une langue chaleureuse et imagée. Je le perçois comme un grand poète de la scène qui sait, à partir de situations très concrètes, ouvrir nos imaginaires et en particulier celui des interprètes car il écrit pour les comédiens. Il y a beaucoup d'humour dans ses pièces mais aussi toujours quelque chose de grinçant, quelque chose qui fait un pas de côté, qui souligne la complexité de ses personnages et par là-même la complexité du monde dans lequel nous vivons. Son écriture est à la fois organique et très littéraire. Dans l'interprétation de cette langue, il faut toujours être au plus près de la construction stylistique. On pourrait croire à tort que c'est presque une écriture improvisée, mais en la travaillant, on s'aperçoit très vite que c'est une fausse simplicité qui demande une grande exigence de la part des interprètes. C'est un auteur avec une grande sensibilité qui maîtrise l'art du dialogue d'une manière très cinématographique.

L’auteur Mohamed Rouabhi est également sur le plateau. Comment s'organise le travail avec lui ?

Je suis en effet metteur en scène et comédien. Mohamed Rouabhi est auteur et comédien. Mais nous savons très bien comment gérer ces casquettes multiples. La présence de l'auteur permet d'affiner la compréhension du texte, surtout pendant la période du travail à la table, mais j'ai une totale liberté dans la direction des acteurs. Nous nous parlons toujours en dehors des répétitions. J'aime partager mes réflexions avec lui, en particulier sur ce que je propose en tant qu'acteur sur scène. Il est toujours à l'écoute mais n'intervient jamais pendant les répétitions. C'est une collaboration étroite mais chacun a ses propres responsabilités et personne n'empiète sur le domaine de l’autre.

"Ces personnages ne sont pas des caricatures ou des archétypes. Ce sont des êtres humains traversés de sentiments parfois contradictoires."
 

Pourquoi avoir choisi cet univers clos d'une maison de retraite réunissant des gens du spectacle vivant ? Cette pièce est-elle aussi une réflexion plus générale sur le monde du théâtre ?

Il y a forcément plusieurs niveaux de lectures possibles à partir du moment où une partie des personnages sont issus du milieu du spectacle. Quand Tchekhov écrit La Mouette avec comme personnage principal une actrice, Arkadina, il y a forcément un regard qui est porté sur le théâtre mais on est aussi plongé au cœur d'une histoire de famille, au cœur d'une société troublée. Avec Les Hortensias la grande diversité des personnages, au nombre de 48, permet de raconter plusieurs histoires. Il y a un personnage qui est vraiment l'incarnation de l'acteur au sens où il joue autant dans la vie que sur scène. Mais à un moment il va arrêter de jouer un rôle auprès des autres pensionnaires et se dévoiler intimement. Il y a donc un va-et-vient entre le théâtre et la vie, entre la vie et la mort qui plane, entre l'envie d'aimer et la solitude qui rode, entre les petites histoires personnelles et la grande Histoire à laquelle certains personnages ont participé, souvent à leur corps défendant. Dans ce lieu clos il y a des surprises, des coups de théâtre, des révélations car ces personnages ne sont pas des caricatures ou des archétypes. Ce sont des êtres humains traversés de sentiments parfois contradictoires.

En 1939, le réalisateur Julien Duvivier réalisait son film La Fin du jour qui se déroule aussi dans une maison de retraite dans un univers assez crépusculaire. Comment vit-on aux Hortensias ?

Ce n'est pas du tout crépusculaire.... Les résidents sont des êtres encore bien vivants et « bons vivants » qui se battent mais sans être dupes. Ils manient l'humour avec un certaine dose d’autodérision. Ils continuent à aimer, à se chamailler, à se surprendre. Bien sûr il y a des brisures, des failles qui se révèlent. Ils savent ce qui se passe hors de leurs murs, les risques qui menacent leur résidence. Mais pas d'abandon, pas de laisser-aller en attendant la mort. Tant du côté des pensionnaires que du personnel soignant, il y a de la vie et les éclats de rire succèdent aux petits ou grands drames. Le sujet est grave, puisqu'il s'agit du vieillissement et de la mort prochaine, mais c'est quand même une comédie.

"Ce mélange des générations nous permet de constater qu'il y a toujours de la passion, une envie d'être sur le plateau, une envie de partager."
 

Comment faites-vous jouer ces 48 personnages ?

Onze comédiens professionnels qui joueront plusieurs rôles et 8 comédiens amateurs qui seront choisis dans chaque lieu où nous jouerons. Mohamed Rouabhi et moi voulions réunir des jeunes comédiens et des comédiens plus âgés pour qu'il y ait une rencontre enrichissante pour tous. Ce mélange des générations nous permet de constater qu'il y a toujours de la passion, une envie d'être sur le plateau, une envie de partager. Pour les amateurs, leur présence correspond à notre désir de s'inscrire dans les lieux où nous jouons. Les neuf années de travail avec Mohamed Rouabhi pour mettre en scène des pièces écrites spécialement pour les amateurs nous ont donné envie de les intégrer à ce spectacle.

Cette confrontation entre générations est aussi forcément une confrontation entre le passé et le présent ?

Oui puisque nous traversons la vie de ces personnes âgées. Ressurgissent donc les drames de la grande Histoire. Notre pièce n'est pas un témoignage historique exhaustif mais elle est alimentée par ces souvenirs qui remontent après avoir été dissimulés pendant longtemps. Nous restons toujours à hauteur d'homme.

Pas de nostalgie donc ?

Aucune. C'est une pièce qui parle d'aujourd'hui et pas d'un âge d'or qui serait en train de disparaître. La seule touche de nostalgie que je revendique c'est celle d'un théâtre « avec décors ». J'aime la machinerie de théâtre. Nous avons donc imaginé avec Sylvie Orcier, la scénographe, un plateau qui se transforme au gré des scènes.

Propos recueillis par Jean-François Perrier en mars 2021