mc93_icon_1 mc93_icon_10 mc93_icon_11 mc93_icon_12 mc93_icon_13 mc93_icon_14 mc93_icon_15 mc93_icon_16 mc93_icon_17 mc93_icon_18 mc93_icon_19 mc93_icon_2 mc93_icon_20 mc93_icon_21 mc93_icon_22 mc93_icon_23 mc93_icon_24 mc93_icon_25 mc93_icon_26 mc93_icon_3 mc93_icon_4 mc93_icon_5 mc93_icon_6 mc93_icon_7 mc93_icon_8 mc93_icon_9 menu-billetterie menu-calendrier menu-offcanvas menu-participez menu-saison noir_et_rouge_01 noir_et_rouge_02 noir_et_rouge_03 noir_et_rouge_04 noir_et_rouge_05 noir_et_rouge_06 noir_et_rouge_07 noir_et_rouge_08 noir_et_rouge_09 nouveau_symbol_01 nouveau_symbol_02 nouveau_symbol_03 nouveau_symbol_04 nouveau_symbol_05 nouveau_symbol_06 nouveau_symbol_07 nouveau_symbol_08 nouveau_symbol_09 pass-illimite
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies, nous permettant d'améliorer votre expérience d'utilisation. OK

Magazine

29 septembre 2023
À lireEntretiens2023-2024

Sans tragédie, pas de parodie

Entretien avec Sophie Perez autour de La vengeance est un plat

Vous avez créé la Compagnie du Zerep en 1997 et depuis vous avez une place particulière dans le paysage théâtral français. Comment définiriez-vous votre travail ?

Ceux qui constituent ce groupe, comédiens, artistes, techniciens et plasticiens, m’accompagnent dans l’idée que le théâtre est l’endroit idéal pour faire de l’art en général. Il y a une citation de Witold Gombrowicz, un écrivain polonais, qui résume bien notre pensée : « sans tragédie, pas de parodie ». C’est un théâtre fiévreux, expérimental qui aime à la fois le théâtre et son refoulé. Il s’agit d’une pratique plutôt artisanale avec la volonté d’inverser les codes esthétiques convenus. D’autres ont fait cela avant nous, Tadeusz Kantor, Pina Bausch, Romeo Castellucci, Maguy Marin mais aussi Carmelo Bene dont j’admire particulièrement la ferveur baroque et austère des pièces. Nous fabriquons des objets de théâtre, nous ne sommes pas dans la posture mais nous avons une distance, une sorte de second degré assumé plutôt salvateur.

« L’idée c’est nous et Shakespeare, avec un prisme pictural, cinématographique, esthétique et psychique. »

Ces « objets » ont tous des points communs mais aussi des traitements particuliers. Y a-t-il une différence, par exemple, quand vous travaillez sur des textes littéraires, Feydeau, Gombrowicz ou aujourd’hui Shakespeare, ou sur des projets que vous construisez entièrement ?

Quand nous travaillons sur des textes qui existent préalablement, ce sont principalement des textes d’auteurs « clefs » de la littérature théâtrale. Cela impose un cadre préalable à nos recherches, une base de travail. Mais il ne s’agit pas, bien sûr, d’être dans la représentation pure, simple et nette de la pièce qui est choisie. La question est le corpus qui entoure un auteur, en l’occurrence là pour Shakespeare, tout y passe : de Orson Welles devenu obsédé avec les personnages shakespeariens, Gombrowicz qui dit avoir eu le goût des histoires grâce à la littérature de Shakespeare ou le revival de cette pièce avec Vivien Leigh et Laurence Olivier par Peter Brook dans les années 50, entre autres. Et puis aussi la présence avec nous d’un auteur comme Pacôme Thiellement et sa lecture très particulière de cette œuvre. L’idée c’est nous et Shakespeare, avec un prisme pictural, cinématographique, esthétique et psychique.

« C’est un peu « chronique d’un désastre annoncé », à la manière d’un film d’horreur, ambiance Massacre à la tronçonneuse. C’est toutes les fêtes d’Halloween en une seule pièce. »

Pourquoi avoir choisi cette pièce de Shakespeare ?

Lorsqu’il a été question de reprendre William Shakespeare, Pacôme Thiellement, essayiste, écrivain et réalisateur mais aussi grand ami du Zerep a immédiatement pensé à cette première pièce dont la démesure et l’impraticabilité convenaient parfaitement au Zerep. C’est la première tragédie de Shakespeare (1594), alors jeune auteur dramatique à la recherche du succès. Comme pour beaucoup de premières pièces il a chargé la barque, faisant feu de tout bois, multipliant les meurtres, les assassinats, la violence et la démence. Elle est unique dans toute son œuvre, c’est sans doute la moins raffinée, et son sort est étrange puisqu’elle a connu un énorme succès à sa création avant d’être presque oubliée par la suite. À partir de cette démesure on s’est sentis libres de naviguer dans les arcanes et les méandres d’une intrigue toujours paroxystique que rien ne peut arrêter : c’est un peu « chronique d’un désastre annoncé », à la manière d’un film d’horreur, ambiance Massacre à la tronçonneuse. C’est toutes les fêtes d’Halloween en une seule pièce.

Pour vous quels thèmes essentiels traversent cette pièce ?

Ils sont multiples : le pouvoir et sa folie meurtrière quand il est poussé à ses extrêmes, l’impossibilité de la justice quand l’engrenage meurtrier se met en place, la violence sans limites adressée aussi bien aux femmes qu’aux hommes, tout le monde est sacrifié. La vengeance aveugle hors de toute raison, le poids des héritages que l’on doit se coltiner, les rapports aux pères et aux mères, les familles dysfonctionnelles… On a le choix… Et on a envie qu’ils soient tous présents car le théâtre est le lieu par excellence de ce déballage intemporel.

« Ensuite viennent de longues séances d’improvisation avec les comédiens, la partition s’écrit et à un moment comme le disait Federico Fellini (...) : Le spectacle est là et on n’y peut rien, il est là malgré nous. Il s’agit d’une écriture souterraine. »

Comment procédez-vous après le choix préalable du texte ?

Le titre du spectacle est le point de départ déterminant de l’écriture globale. Une fois trouvé, cela met en marche le travail. Dans le même temps, le cadre esthétique et formel détermine la création à venir. Scénographe de formation, je commence par une maquette et des dessins. Les entrées d’une pièce se trouvent à partir du dispositif scénique. Pour La vengeance est un plat, trois axes : les ruines, les organes et des clowns. Je m’occupe aussi des costumes avec Corine Petitpierre. Ensuite viennent de longues séances d’improvisation avec les comédiens, la partition s’écrit et à un moment comme le disait Federico Fellini en parlant du processus de l’écriture de ses films : le spectacle est là et on n’y peut rien, il est là malgré nous. Il s’agit d’une écriture souterraine.

Vous avez constitué au fil du temps une équipe de comédiens très fidèles et très très engagés. Faites-vous une distribution préalable ?

Non, la distribution depuis 25 ans, quel que soit le spectacle c’est eux-mêmes. Pour Titus Andronicus, tout le monde voulait faire Lavinia, c’est finalement Erge Yu qui s’y colle, une danseuse classique chinoise qui travaille régulièrement avec nous depuis 10 ans. Il s’agissait aussi de se débarrasser de son clown, dans l’idée que la chose comique est là, solide, depuis belle lurette… Tout est possible ici avec Shakespeare comme au Zerep. Les acteurs du Zerep sont comme des instruments précis et démoniaques doublés d’un engagement absolu. Je les cite encore : Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Marlène Saldana, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Erge Yu ; le Zerep au grand complet avec William en guest !

Propos recueillis par Jean-François Perrier, en juin 2023.