Dramaturgie des mutations
Dramaturgie des mutations
À partir de septembre 2015, la MC93 a accueilli l’auteur Daniel Conrod pour une résidence d’écriture au long cours avec le désir de renforcer les liens entre une maison de la culture et les habitant.es d’un territoire en s’appuyant sur les travailleurs sociaux et les professionnel.les du soin (éducation, santé, prévention, protection, médiation, travail social...).
Intitulée Dramaturgie des mutations, cette résidence a été rituellement ponctuée de temps de rencontre et de restitution appelés « banquets », réalisés avec des structures sociales et culturelles du territoire. Chaque banquet est construit autour d’un discours écrit et performé par l’auteur et de collaborations artistiques diverses
Daniel Conrod était accompagné par le photographe Vincent Muteau avec lequel il tenta d’inventer une autre représentation du corps social. La résidence donna également lieu à une exposition à la MC93 ainsi qu’à une publication intitulée On ne répare par le monde.
D’abord iconographe, je deviens documentaliste de presse, puis consultant en ingénierie documentaire, avant d’entreprendre « tardivement » une troisième vie professionnelle dans le journalisme culturel, comme « rubricard » (danse, arts de la rue…), puis comme grand reporter (art/culture/société, économie de la culture, spectacle vivant, politiques culturelles) et enfin comme rédacteur en chef adjoint chargé de la culture dans un hebdomadaire lui-même culturel. Je referme ce cycle en 2011 en quittant le monde de la presse : avec la psychanalyse, le journalisme a été mon université. Depuis cette date, j’engage, sous des formes et à des titres différents, des travaux et recherches, quelquefois dans l’obscurité, d’autres fois en pleine lumière (les deux me conviennent semblablement), tantôt comme « journaliste-artiste » tantôt comme écrivain hétéroclite, les deux parfois se confondant.
À l’invitation d’Hortense Archambault, je suis artiste associé à la MC93 où je poursuis une résidence d’écriture au long cours principalement consacrée aux métiers du travail social et du soin et à leur rapprochement avec le monde culturel. Lorsque j’ai proposé au photographe Vincent Muteau de m’accompagner dans cette aventure, j’ignorais à quel point la sûreté et l’humanité de son œil deviendraient indispensables à cette réflexion au point qu’elle nous est devenue commune. J’ai appelé ce projet balbynien expérimental « Dramaturgie des mutations » pour revendiquer haut et fort mon engagement dans le contemporain. Si elles sont indiscutablement disparates, trop peut-être, mes publications et contributions n’en sont pas moins repérables sur la toile. D’une manière générale, il me semble qu’une certaine pratique du retrait et du secret est indissociable du travail de la création.
Le samedi 4 juin 2016, Quartier Pont-de-Pierre.
organisé avec le centre social Le Village et la Maison des parents Etoile.
« Quel rapport entre tous ces métiers et une Maison de la culture ? Une Maison de la culture s’occupe des habitants d’une ville, c’est la première de ses responsabilités, prendre soin de la population, si la Maison de la culture à Bobigny a été loin de ses habitants, elle souhaite aujourd’hui se rapprocher d’eux, entrer en dialogue, c’est le désir de sa nouvelle directrice et de son équipe, c’est un long chemin qui commence, comme à l’intérieur d’une famille éclatée, durant des années, on a vécu séparément, chacun de son côté, on se rend compte que ça n’est pas bon d’être aussi loin les uns des autres, alors il faut réapprendre à vivre ensemble, à se comprendre, à se taper sur l’épaule, à prendre des nouvelles les uns des autres, à savoir ce qui s’est passé dans la vie de chacun depuis le temps qu’on ne s’est pas vu, c’est un peu ce que je fais, je prends des nouvelles et je les colporte, j’ai dit plus haut que la culture et le social doivent rester attachés ensemble, sinon c’est le tissu humain de la société qui se déchire, comme un corps qui serait divisé en deux, une Maison de la Culture, ce ne sont pas que des spectacles sur une scène de théâtre, ce sont aussi des gens qui travaillent là, qui habitent là ou pas loin de là, ce sont des expériences communes, des envies d’artistes de faire autre chose que des spectacles, ou de les faire autrement, ailleurs, plus près des habitants. »
Le mardi 18 octobre 2016, Quartier de L’Abreuvoir.
Organisé avec l’association inter-culturelle des Femmes-Relais et la Bibliothèque de quartier Émile-Aillaud
Ce banquet réunit l’ensemble des travailleurs sociaux rencontrés d’une manière ou d’une autre par Daniel Conrod depuis un an. L’historien Patrick Boucheron en est l’invité de marque. Vincent Muteau et Daniel Conrod y proposent en avant-première une préfiguration de l’exposition qu’ils préparent en vue de la ré-ouverture de la MC93. À signaler aussi la présence d’un invité surprise à ce banquet, Tarzan, héros presque naturel de chacun d’entre nous, à travers le travail de recherche de la danseuse-performeuse Yiphun Chiem.
Le samedi 25 mars 2017, Dalle Paul Eluard, Bobigny
Organisé avec les écoles Paul Eluard, Paul Vaillant Couturier ainsi que le centre de loisirs Paul Eluard
Un troisième Banquet poétique dédié aux enfants et aux mamans d’aujourd’hui et de demain. Ce temps de poésie partagé est une invitation faite aux adultes à écouter, à rêver, à contempler un livre en train de s'écrire en direct par la main des enfants.
Samedi 1er juillet 2017, MC93
Le quatrième banquet a eu lieu à la MC93 juste après sa réouverture. Au programme le tournage du film Le Grand Saut, avec le photographe et réalisateur Vincent Muteau ; le démarrage du répertoire poétique de la MC93 avec les premiers enregistrements d’habitants ; un déjeuner partagé ; et le discours à celles et à ceux du dehors et du dedans écrit et performé par Daniel Conrod avec la participation d’Oliver Sens, compositeur en résidence à Canal 93.
Organisé avec Canal 93, Vie et cité, Classe de CP, CE1 de l’école Paul Eluard, Classe de CM2 de l’école Paul-Vaillant-Couturier, Centre de loisir dalle Paul Eluard, Centre social Le Village – Pont-de-Pierre, l’association Mejless, les bibliothèques Elsa-Triolet et Émile Aillaud.
Avec la participation du SPF, la Maison des parents, Loisirs Tout Azimut.
« C’est l’histoire d‘un photographe invité par un poète à œuvrer à ses côtés dans un drôle d’endroit plein de promesses, un théâtre sans murs. Le but est clair : contribuer avec son langage à l’écriture d’un grand poème social et littéraire, la Dramaturgie des Mutations. Rêveur, il s’imagine la vie d’artiste offrant de belles et grandes images au poème. Ambitieux, il ne veut pas se contenter d’illustrer les mots du poète mais plutôt l’aider à les prolonger. Fier de ce beau projet, il lui choisit un petit nom : Le Grand Saut. »
Vincent Muteau
Installation, est-il annoncé en gros caractères sur l’un des kakémonos, installation, du verbe installer, installer autant qu’il est possible, déposer, à l’intérieur d’une grande maison de théâtre, la MC93, quelques traces et autres objets plastiques remarquables issus d’une résidence de recherche et d’écriture entreprise en automne 2015 sur le territoire de la ville de Bobigny autour et à partir du travail social, de ses acteurs, les travailleurs sociaux et professionnels du soin. S’y sont ajoutés au fil des mois des bénévoles de l’action sociale et culturelle et deux écoles primaires.
Dramaturgie des mutations
Exposition / Installation
du 13 septembre au 23 décembre 2017
– Hall de la MC93
Mutation, du latin mutare : changement radical, conversion, évolution profonde. Changement d'affectation ou de position. Apparition brusque d'un changement dans la structure de certains gènes. Transfert d'un bien ou d'un droit d'une personne à une autre.
C’est l’histoire d‘un photographe invité par un poète à oeuvrer à ses côtés dans un drôle d’endroit plein de promesses, un théâtre sans murs. Le but est clair : contribuer avec son langage à l’écriture d’un grand poème social et littéraire, la Dramaturgie des Mutations.
Rêveur, il s’imagine la vie d’artiste offrant de belles et grandes images au poème. Ambitieux, il ne veut pas se contenter d’illustrer les mots du poète mais plutôt l’aider à les prolonger. Fier de ce beau projet, il lui choisit un petit nom : Le Grand Saut.
Le saut, d’abord...
Un acte certes ludique mais aussi révélateur, comme une théorie du lâcher prise inventée par Philippe Halsman qui fit bondir, dans son studio photo, toutes les vedettes et les puissants de l’Amérique des années 50. Aller voir derrière le masque que chacun se fabrique
Un acte peut être aussi politique car il s’agit ici d’incarner des gens de l’ombre qui prodiguent du « soin », le sujet du poème. Représenter des professionnels du champ social, aujourd’hui et dans leur lieu d’action, une ville, Bobigny, ses paysages et ses habitants.
La mutation, ensuite…
Celle du poème, ce grand serpent qui ne cesse de croître et de changer de peau : des discours, des banquets, un historien, des enfants, une danseuse, des artistes urbains, des paysages, des mots, des mots… et des images lovées au coeur de cette étreinte sinueuse et sujettes à d’étranges excroissances : des vidéos, des sons, des textes imprimés géants, des mots griffonnés tout petits, des dessins d’enfants.
La dramaturgie, enfin…
Que deviendront ces gens, ces images, ces mots ? Une exposition, une installation, un grand bazar foutraque ? Une seule chose est sûre. Le photographe et le poète gardent chevillée au corps l’envie d’un acte symbolique : inviter toutes ces personnes à rentrer, au propre comme au figuré, dans la maison théâtre ré-ouverte et tenter de créer ainsi une petite société, peut-être même un grand peuple.
La grande mutation ou la dramaturgie du saut, en quelque sorte…
Sauter, du latin saltare : quitter le contact avec un sol ou une surface. Se laisser tomber dans le vide. Passer sans transition de quelque chose à quelque chose d'autre. Être agité de mouvements brusques qui élèvent et font retomber. Être affecté de brusques variations. Sortir brusquement de son logement. Fondre. Exploser.
Vincent Muteau
Commissariat Daniel Conrod et Vincent Muteau
Photographies / vidéos Vincent Muteau
Textes Daniel Conrod
Le texte du banquet #4 est interprété par D’ de Kabal.
Poèmes enregistrés avec le concours d’Aurélien Polowy par les participants du banquet #4
Scénographie L+M Louise Cunin
Conception graphique Grand cheval sauvage
Production MC93 - Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
Le Répertoire poétique a vu le jour au cours de la résidence de Daniel Conrod. L’auteur invitait à constituer un répertoire de poèmes que nous avons chacun dans la tête, le cœur, ou dans notre téléphone, initiant ainsi une collection de voix dont la Maison de la Culture est dépositaire.
Le Répertoire poétique rouvert de temps en temps s’est ainsi vu être amplifié de saison en saison.








