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Magazine

16 janvier 2020
À lireEntretiens2019-2020

Réinventer un futur

Entretien avec Baro d'evel

Quelle est la genèse de Falaise ?

Blaï Mateu Trias : Falaise est le deuxième chapitre d’un diptyque. Il fait suite à , un duo que nous présentons avec Camille, et prolonge le travail que nous menons avec la troupe depuis la création de Bestias.

"À chaque fois nous proposons un voyage sensoriel à partir d’un espace."

 

Camille Decourtye : La compagnie a presque vingt ans d’existence. Nous avons fait des spectacles en itinérance, en chapiteau, en salle, dans la rue, toujours dans la recherche d’une grande intimité avec le public. À chaque fois nous proposons un voyage sensoriel à partir d’un espace. Avec la troupe de Bestias, nous avons traversé presque cinq années de travail, entre les répétitions et les tournées, et partagé des moments très intenses. Forts de cette expérience, nous nous sommes sentis prêts à aborder un grand plateau avec une grande scénographie.

B.M.T. : Dans nos spectacles on travaille beaucoup sur la transformation, autant des interprètes que de l’espace lui-même. Dans , on partait du blanc pour aller vers le noir. Dans Falaise, c’est l’inverse. On est aussi dans un espace plus réel, plus concret.

"Comment toutes ces personnes qui font partie de cette cité en train de s’effondrer vont trouver la force de réinventer un futur ?"


C.D. : plaçait un homme, une femme et un corbeau dans un espace neutre et blanc, dans du vide. Dans Falaise, la cité a été créée, la société existe à travers le groupe. On aime bien rêver à un scénario qui aurait eu lieu il y a très longtemps ou qui pourrait avoir lieu dans très longtemps. C’est un jeu perpétuel entre le primitif et le visionnaire. La complexité du rapport à l’autre et du rapport au monde se pose ici autrement avec le groupe : à travers les grands rituels de la vie, la naissance, la mort, l’amour, le mariage, etc. et aussi la fêlure, l’effondrement, la révolte, la reconstruction… Comment toutes ces personnes qui font partie de cette cité en train de s’effondrer vont trouver la force de réinventer un futur ?

Un mot sur le titre ?

B.M.T. : Tous les sens suggérés par le mot sont fondateurs de notre travail. Il est lié à nos origines circassiennes : la falaise évoque le pas en avant qu’il faut faire pour se jeter dans le vide, le saut vers l’autre, en terre inconnue ou le dépassement de soi. C’est aussi une façon de poser la question de la limite : jusqu’à quand ça va durer, jusqu’où on va ?

"Chacun explore ce qu’il traverse dans sa vie à ce moment-là et cherche à grimper sa propre falaise"

 

C.D. : Le sens est aussi métaphorique. Au cours du processus de création, chacun explore ce qu’il traverse dans sa vie à ce moment-là et cherche à grimper sa propre falaise, à explorer ses gouffres intérieurs.

Quelles sont les disciplines de cirque mobilisées ?

B.M.T. : Il n’y a pas d’agrès autre que la scénographie en elle-même et les corps : avec plusieurs étages, plusieurs hauteurs, des accroches, elle nous permet de marcher. Depuis Bestias, nous avons élaboré un langage avec ce groupe qui combine rythme, voix et mouvement - acrobatique mais pas seulement. Parmi les huit personnes qui constituent l’équipe, nous sommes cinq à avoir un parcours circassien. Il y a aussi deux danseurs et un jeune acteur qui a participé à des projets de danse urbaine.

Un animal sur le plateau est forcément le premier protagoniste.
 

Quel est le rôle des animaux dans vos spectacles ?

C.D. : Mes parents travaillent dans le milieu équestre et j’ai grandi en présence d’animaux. À ma sortie du CNAC (Centre National des Arts du Cirque), je me suis passionnée pour l’éthologie, l’étude du comportement animal. Cette approche m’a donné envie de retourner au contact des animaux. Ils ont fait tout de suite partie de l’univers du Baro d’evel, d’abord avec les chevaux car c’était ce que je connaissais le mieux. On vit avec eux des moments incroyables, parce qu’on est tous dans le présent, eux, nous et les spectateurs. Cela fonctionne parce que nous avons un rapport fort à l’improvisation – notre écriture est très précise mais laisse des espaces ouverts. Ce que nous demandons aux animaux sur scène est très lié au fait que nous vivons avec eux. Leur partition n’est pas un rêve déconnecté de leur réalité mais au contraire prend en compte ce qu’ils aiment faire, ce qui va les amuser, ce qui correspond à leur caractère. On propose des choses et on voit comment ça réagit. Un animal sur le plateau est forcément le premier protagoniste. Nous faisons en sorte de pouvoir être guidés par lui. Ils sont vraiment intégrés comme des interprètes. Il ne s’agit pas de faire une belle image ou d’illustrer un concept par leur présence. On touche là à ce qui ne peut pas être expliqué, nommé, à ce que l’on communique avec nos corps, ce que l’on dégage les uns et les autres. Cela réveille en nous et chez le spectateur des émotions très fondamentales et très puissantes.

Quelles sont vos sources d’inspiration marquantes ?

"On aime ce frottement entre la déchéance et la poésie, cette ambivalence que trimballe l’humanité"


C.D. : Nous sommes fans depuis longtemps des films de Béla Tarr. Il y a par exemple dans Les Harmonies Werckmeister des scènes d’anthologie qu’on adore. Notamment celle où un homme réexplique le système solaire dans un bar miteux à des hommes qui sont tous complètement saoûls, qu’il fait tourner sur eux-mêmes comme des planètes ! On aime ce frottement entre la déchéance et la poésie, cette ambivalence que trimballe l’humanité. Les Ailes du désir de Wim Wenders, Andreï Roublev de Tarkovski font également partie de nos fondamentaux, pour tous nos projets. Pour Falaise, on a regardé du côté de Camus : le rapport à la révolte, à l’amour et à l’absurde.

B.M.T. : Si Camille tient de sa famille son goût pour les animaux, je suis pour ma part fils de clown et catalan. Je crois que je dois à ces origines un certain rapport à la qualité plastique mais aussi à l’humour ! Même si on s’attaque ici à des thèmes un peu dramatiques sur le fond comme l’effondrement, les murs, la révolte, pour autant l’absurde et l’humour sont toujours là. On travaille sur le clown et la présence des animaux amène à l’inattendu, à l’hésitation, au quiproquo, tout ce qui permet des bouleversements dans des scènes où l’on peut passer rapidement du rire aux larmes, et inversement. Le minimum d’élégance, malgré les enjeux liés à la scénographie, la grosse équipe et tous ces thèmes, c’est d’éviter de se prendre trop au sérieux.

Propos recueillis par Olivia Burton, en mars 2019